
L’insuffisance hépatique ou insuffisance hépatocellulaire correspond à la dégradation des fonctions assurées par les cellules du foie (les hépatocytes). Les hépatocytes assurent normalement des fonctions importantes de synthèse, d’épuration et de sécrétion biliaire.
L’altération de leurs fonctions engendre des symptômes et des désordres biologiques importants au niveau du foie mais aussi d’autres organes, pouvant engager le pronostic vital. L’insuffisance hépatique peut être aiguë ou chronique et son évolution requiert une greffe de foie. Faisons le point ensemble.
Mécanismes de l’insuffisance hépatique
Le foie est un organe vital qui assure des fonctions très importantes pour l’organisme :
- le stockage et la distribution des nutriments ;
- le stockage des glucides et la synthèse du glucose ;
- la synthèse des protéines des cellules (notamment l’albumine ou les facteurs de coagulation sanguine) ;
- la synthèse et l’élimination du cholestérol, le métabolisme des lipides et des vitamines de nature lipidique ;
- le traitement des déchets organiques dérivés des cellules de l’organisme ou provenant de l’extérieur (toxines, médicaments) ;
- la production des acides biliaires ;
- des mécanismes de défense anti-infectieux (rôle de filtre).
L’insuffisance hépatique correspond à l’altération des cellules hépatiques, le foie n’assurant plus correctement l’ensemble de ses fonctions. Les répercussions de l'insuffisance hépatique touchent donc l'ensemble de l'organisme.
Causes de l'insuffisance hépatique
L’insuffisance hépatique ou insuffisance hépatocellulaire peut se diviser en deux grandes catégories.
L’insuffisance hépatique aiguë se manifeste brutalement chez une personne sans problème hépatique préalable par des hépatites aiguës dont les origines sont multiples :
- une hépatite virale (virus des hépatites A, B, C, etc., virus Herpes, adénovirus, virus d’Epstein-Barr, cytomégalovirus…) ;
- la dengue (une arbovirose transmise par la piqûre d’un moustique Aedes) ;
- la consommation de certains champignons (amanites phalloïdes) ;
- l'exposition à certains toxiques (alcool, solvants organiques) ;
- la prise de certains médicaments notamment le surdosage de paracétamol (c'est justement afin de sécuriser son usage et celui des AINS [ibuprofène et aspirine] qu'à partir de janvier 2020, ces médicaments disponibles sans ordonnance ne seront plus accessibles en libre accès dans les pharmacies mais placés derrière les comptoirs des pharmaciens) ;
- un accident ischémique hépatique (syndrome de Budd-Chiari, syndrome de Reye) ;
- des traumatismes hépatiques ;
- un cancer hépatique.
Des pathologies hépatiques chroniques évoluent plus ou moins lentement vers l’insuffisance hépatique chronique :
- Le cas le plus courant est celui de la cirrhose, qui entraîne des épisodes aigus d’insuffisance hépatique puis évolue vers l’insuffisance hépatique chronique.
- Certaines maladies auto-immunes peuvent conduire vers une insuffisance hépatique.
À noter : ces deux formes d’insuffisance hépatique n’ont pas le même pronostic (par exemple, lorsque la dengue entraîne une insuffisance hépatique aiguë, le plus souvent chez les enfants, elle peut être fatale). L’insuffisance hépatique entraîne des troubles au niveau du fonctionnement du foie, mais aussi du fonctionnement d’autres organes et de l’organisme dans son ensemble.
Insuffisance hépatique : symptômes
L’insuffisance hépatique est à l’origine de nombreux symptômes touchant tout l'organisme :
- une fatigue importante ;
- une dénutrition ;
- un ictère (jaunisse) ;
- des manifestations au niveau de la peau et des phanères :
- des angiomes stellaires (lésions cutanées rouges en étoile au niveau du visage, du cou, du haut du thorax, des bras et des mains),
- l’érythrose palmaire (coloration rouge de certaines zones de la main),
- l’hippocratisme digital (bombement caractéristique des ongles, phalange épaissie à la base de l’ongle, doigts en baguette de tambour),
- les ongles blancs (leuconychie), striés, sans lunule (surtout le pouce et l’index) ;
- des troubles endocriniens :
- chez les hommes : diminution de la pilosité, gynécomastie (hypertrophie des seins), impuissance, atrophie testiculaire,
- chez les femmes : atrophie mammaire, aménorrhée (absence de règles), stérilité ;
- des syndromes hémorragiques liés à des troubles de la coagulation et à la thrombopénie (diminution du taux de plaquettes) : ecchymoses, hémorragies gingivales ou nasales, purpura ;
- des infections pouvant évoluer en septicémie ou en ascite (accumulation de liquide dans l'abdomen).
Mais la conséquence la plus significative de l'insuffisance hépatique est l’encéphalopathie hépatique, dont l’évolution peut être mortelle. L’encéphalopathie hépatique se manifeste par les symptômes suivants :
- une alternance de phases d’apathie et d’agitation psycho-motrice avec désorientation, état confusionnel et somnolence croissante, hypertonie musculaire (augmentation anormale du tonus musculaire) ;
- un asterixis ou flapping tremor (brève interruption du tonus musculaire de certains muscles de la main) ;
- un foetor hepaticus (odeur douceâtre de l’haleine).
Les médecins distinguent 3 stades de gravité de l’encéphalopathie hépatique :
- le stade I avec des troubles du sommeil et du comportement, un astérixis ;
- le stade II avec des troubles de la conscience (confusion) ;
- le stade III avec un coma calme, plus ou moins profond selon les cas.
Complications et diagnostic de l’insuffisance hépatique
L’insuffisance hépatique, quelle que soit sa cause, évolue sans traitement vers l’encéphalopathie et des complications qui touchent l’ensemble de l’organisme :
- des complications infectieuses ;
- des complications hémorragiques ;
- des complications rénales : une oligurie (diminution de la quantité des urines), une insuffisance rénale, une rétention hydrosodée (œdème) ;
- des complications pulmonaires : diminution de la ventilation pulmonaire et de l'apport d'oxygène qui nécessite la mise en place d’une ventilation artificielle(dans le cadre de l'épidémie de COVID-19, l'insuffisance hépatique constitue un risque majeur de développer une forme grave d’infection à SARS-CoV-2) ;
- des complications cardiovasculaires : tachycardie, baisse de la tension artérielle ;
- des troubles métaboliques, surtout des hypoglycémies fréquentes qui requièrent l’administration de glucose en continu.
L’insuffisance hépatique ou hépatocellulaire est définie par un ensemble de perturbations dans les analyses biologiques :
- une diminution de la quantité d’albumine dans le sang ;
- une augmentation de la quantité de bilirubine dans le sang ;
- une diminution de la quantité de facteurs de la coagulation dans le sang, particulièrement la quantité du facteur V de la coagulation ;
- une élévation des transaminases.
L’encéphalopathie hépatique est diagnostiquée par les symptômes caractéristiques qu’elle engendre.
En effet, sur un électroencéphalogramme, elle provoque des anomalies qui ne sont pas spécifiques de l’encéphalopathie hépatique :
- Lorsque l’insuffisance hépatique est aiguë, des examens complémentaires sont prescrits pour déterminer la cause exacte de l’insuffisance hépatique : des analyses microbiologiques, des analyses sanguines, des dosages de toxines ou de médicaments, etc.
- Lorsque l’insuffisance hépatique est chronique, le patient est suivi pour sa pathologie hépatique chronique et des analyses sanguines sont régulièrement prescrites pour surveiller l'évolution vers l’insuffisance hépatique.
Bon à savoir : l’insuffisance hépatique peut également toucher les enfants, chez lesquels les symptômes sont moins faciles à observer, notamment l’encéphalopathie hépatique.
Prendre en charge l’insuffisance hépatique
L’insuffisance hépatique, quelle que soit sa cause, doit être prise en charge immédiatement.
L’urgence est d’autant plus importante que l’insuffisance hépatique survient brutalement.
La surveillance des grandes fonctions est instaurée dès le diagnostic : la fonction hépatique, la fonction rénale, la fonction respiratoire avec éventuellement une assistance respiratoire, l’état neurologique, la fonction cardiovasculaire, la glycémie.
Le traitement consiste à traiter en urgence la cause de l’insuffisance hépatique. L’encéphalopathie hépatique liée à une insuffisance hépatique aiguë peut évoluer favorablement après le traitement de la cause de l’insuffisance hépatique, si elle est prise en charge suffisamment rapidement.
En revanche, l’encéphalopathie hépatique liée à une insuffisance hépatique chronique évolue irrémédiablement vers des formes graves. Le seul traitement de l’insuffisance hépatique grave est la transplantation hépatique. Sans traitement, l’insuffisance hépatique met rapidement en jeu le pronostic vital.
À noter : dans le cas particulier de l’intoxication au paracétamol (prises supérieures à la posologie normale), un antidote (la N-acétylcystéine) peut être administré pour traiter l’hépatite aiguë, avant l’évolution vers l’insuffisance hépatique. La NAC exerce aussi une action antioxydante et anti-inflammatoire, tout en contribuant à remonter les niveaux de glutathion, dont le foie est un des premiers utilisateurs pour ses fonctions de détoxification du sang.